C’est lors de la 10ème semaine in utéro que la langue sort de la bouche pour venir au contact des doigts : il s’agit du réflexe Hooker (première boucle sensori-motrice : le tronc cérébral émet des réponses motrices à des sensations). Les premières déglutitions, sous forme de succion, apparaissent alors. Par ce biais, la langue emmène la mandibule vers l’avant de façon répétée, permettant ainsi son développement. Bébé déglutit jusqu’à 1 litre de liquide amniotique par jour.
Les expériences sensorielles sont déjà multiples : toucher, olfaction, gustation… bébé est un expert sensoriel.
Cet extraordinaire rodage moteur et sensoriel permet à bébé de mettre en place une coordination succion déglutition respiration efficace à la naissance.
A partir de la naissance, le réflexe de succion (suckling) permettra à bébé de s’alimenter (mais aussi d’autres fonctions non développées ici)pour laisser place à une succion volontaire (sucking) vers 3 – 4 mois. Bébé sent, goûte, observe…
Bébé amène de nombreux objets à la bouche et se familiarise avec son réflexe nauséeux avant le grand saut de la diversification : l’explosion sensorielle de son assiette à sa bouche. Le passage à la cuillère entraîne d’abord la cohabitation d’une double stratégie motrice : mouvements antéro-postérieurs de la langue (avant leur disparition) et écrasement du bolus de la langue au palais.
Les prémices de la mastication se mettent en place dès 6 mois. La mastication est un véritable apprentissage qui se développe progressivement.
Entre 6 et 9 mois apparaissent les premiers mouvements de mâchonnement, écrasement alimentaire : il s’agit du malaxage (munching), la langue parvient déjà à déplacer le bolus sur les côtés. Dès 9 mois, les mouvements latéraux linguaux deviennent plus nombreux et bébé est capable de mordre les aliments (biting). Bébé invite sa bouche à découvrir diverses textures, différents goûts et odeurs…
4 à 5 mois plus tard, la mastication (chewing) se manifeste par des mouvements de rotation de langue entre les molaires et un broyage du bol alimentaire par la mâchoire encore plus efficace.
Dès 24 mois, l’enfant est capable de gérer différents types de textures, il affinera ses compétences jusqu’à l’âge de 4 à 6 ans – où il parviendra à un pattern moteur adulte.
A l’âge adulte, la langue est capable d’emmener le bolus successivement de chaque côté entre les molaires (mastication bilatérale) avant de rassembler en son centre antérieur, un bol alimentaire mixé et lubrifié de salive. La partie antérieure de la langue se positionne ensuite au palais avant d’exercer un mouvement d’élévation de sa base et propulsion arrière de l’aliment.
Le développement alimentaire du jeune enfant est naturellement influencé par les expériences motrices et sensorielles.
Malheureusement, la progression de textures alimentaires et les quantités requises proposées dans le commerce ne correspond pas au développement oro-moteur des enfants.
Dès 6 mois et une fois que bébé tient son dos droit, il est possible de proposer des morceaux fondants pour favoriser la mise en place de la mastication (principes de la diversification menée par l’enfant – DME).
Par ailleurs, Jusqu’à 12 mois la diversification alimentaire doit rester une découverte et un rodage sensoriel et moteur, les apports nutritionnels principaux de l’enfant se font encore majoritairement par le lait. Il s’agit également de découvrir l’alimentation (lactée et solide) de manière plaisante – pour conduire au plaisir des repas, au plaisir du partage ce temps convivial.
Nous évoquions précédemment la première bouche sensori-motrice dans le lien de la main à la bouche par le réflexe de Hooker.
Il est intéressant d’analyser l’homonculus de Penfield (image 1) qui représente, sous forme d’une silhouette humaine, l’importance qu’occupe chaque zone de l’organisme dans le cerveau. Chaque région corporelle est ainsi associée à une zone du cortex recevant et analysant les stimuli et dont la taille est en adéquation avec la densité de récepteurs sensoriels.
Les mains, la langue et la bouche apparaissent assez grandes, ce qui suggère qu’elles soient dotées de nombreux récepteurs sensoriels. On observe également la proximité de la main et de la bouche suggérant à son tour que la stimulation d’une zone puisse avoir des répercussions sur les autres.Le « manger main » prend alors tout son sens. Pour manger, bébé écrase l’aliment avec ses doigts et découvre sa texture par les sens tactile, visuel et auditif; il anticipe ce qu’il amènera ensuite en bouche : texture molle, dispersible, glissante, collante…. Il lèche l’aliment ou l’amène jusqu’à la bouche, stimule ses papilles gustatives linguales y sont alors stimulées tout comme sa voie rétro-nasale lui permettant de percevoir la flaveur des aliments (qui apprécie de manger enrhumé ?). Le bolus sera ensuite réduit et rassemblé avec des mouvements latéraux de langue et d’écrasement entre les gencives avant d’être dégluti.