En premier lieu, pour parler, il faut du souffle. La parole, c’est de l’air modelé ! Pour modeler cet air envoyé par nos poumons et le transformer en langage articulé, nous avons besoin :  

  • D’un vibrateur : nos cordes vocales, situé dans le larynx (l’endroit de la “pomme d’Adam” chez les hommes).  
    C’est leur accolement et leur vibration lorsque l’air passe entre elles qui permet de produire des sons “voisés”, c’est à dire des sons qui utilisent la voix.  
    On peut ressentir facilement cette vibration en touchant sa gorge et en prononçant [b] par exemple. A l’inverse, pour un son “non voisé” comme le [p] on ne ressent donc pas cette vibration des cordes vocales.  
     
  • De résonateurs : ce sont les cavités orale et nasale qui permettent de faire résonner le son.  En effet, pour certains sons, l’air expulsé passe par le nez et pour d’autres, il passe par la bouche. C’est notre voile du palais (ou “palais mou”) se situant dans la continuité du “palais dur”, qui permet, en se relevant ou en s’abaissant, de faire passer l’air par le nez ou par la bouche. Toute une mécanique inconsciente !  
    On peut prendre conscience de ce passage de l’air en plaçant un miroir sous le nez et en prononçant par exemple le son “on”. On verra alors de la buée se former à la surface du miroir : signe de l’air qui y passe. En revanche, en prononçant un “o”, on ne devrait voir aucune buée : l’air passe par la bouche.  
     
  • D’organes bucco-phonateurs : il s’agit de tous les organes et muscles qui nous permettent de modeler plus finement l’air afin de produire tous les sons que nous avons appris.  
    En se plaçant devant un miroir, on peut se rendre compte de la différence d’ouverture et de fermeture de la bouche selon les sons articulés (ex : a-i), les mouvements d’étirement ou de projection des lèvres (ex : é-u), la précision de la langue (ex : t-n), la pression effectué par les joues sur l’air que l’on a en bouche (ex : ch)…   Sans oublier les dents, qui ont également un rôle très important : elles sont pour de nombreux sons le rempart empêchant la langue de trop avancer (ex : s-z). Encore une fois, nous n’avons heureusement pas besoin de réfléchir à chacun de ces mouvements, nous les avons tous pleinement intégrés à force de répétition et grâce à notre proprioception (=l’ensemble des informations nerveuses transmises au cerveau permettant la régulation de la posture et des mouvements du corps). 

Quelle est le rôle de notre langue dans la parole ? 

Pour bien articuler, la langue doit être mobile et précise. Elle doit être capable de mouvements fins et indépendants du reste des autres organes bucco-phonateurs. Il suffit de prononcer les sons [t], [n], [l] pour se rendre compte de la précision du mouvement effectué par sa pointe pour toucher le bon point d’articulation par exemple. En prononçant un [g] suivi d’un [gn] on peut également se rendre compte de son occupation en bouche, de sa forme et de sa tonicité qui différent selon les sons que l’on souhaite prononcer. C’est un merveilleux outil impliquant 17 muscles !  

Nous avons appris tous ces mouvements linguaux très précis appartenant à notre langue maternelle grâce à l’intégrité de nos organes sensoriels (vue, audition) et aux sollicitations de notre environnement, par imitation. Les capacités oro-motrices nécessaires pour parler sont, par ailleurs, fortement reliées aux capacités oro-motrices que développe l’enfant pour manger. Les mêmes muscles et les mêmes organes sont utilisés pour la parole et l’alimentation. Parmi ceux-ci, la langue a une fonction primordiale.  

Au sein du ventre de sa mère et à son arrivée au monde, le bébé tète pour s’alimenter : sa langue fait essentiellement des mouvements antéro-postérieurs, c’est à dire de l’avant vers l’arrière. Les lèvres servent à fermer hermétiquement la bouche du bébé sur le mamelon de la maman ou la tétine du biberon. Les vocalisations du bébé utilisent alors peu de mouvements de la langue et des lèvres. A la naissance, il produit des cris, des pleurs, des petits bruits réflexes lors de ses mouvements… Puis, petit à petit, il commencera à produire des voyelles, le fameux “areuh” qui ressemble plus souvent un “aeu” : c’est la phase des “gazouillis” que le bébé émet principalement lorsqu’il est allongé. Son entourage prend plaisir à répéter : c’est le début des échanges verbaux !  

Ces petits gazouillis vont peu à peu se différencier, notamment selon les émotions ressenties par le bébé. La position de son larynx se modifie, il descend et permet à la langue de gagner en mobilité.  On verra alors progressivement apparaître des consonnes. Le bébé s’amuse alors à faire varier ses vocalisations, il découvre qu’il est capable de produire des sons plus ou moins forts, graves ou aigus…

La langue continue à gagner en mobilité grâce aux entraînements quotidiens apportés par les jouets de dentition ou autres objets mis en bouche par le bébé ainsi que l’arrivée de la diversification alimentaire. La langue apprend à déglutir d’autres textures, elle doit effectuer des mouvements différents, se rétracter. Les lèvres apprennent par exemple à se fermer sur une cuillère pour en happer son contenu… Et en même temps, on voit apparaître le babillage composé de syllabes qui utilisent les mouvements de fermeture-ouverture des lèvres, ex : “papapa” – “mamama” vers l’âge de 6 mois.  

Avec l’arrivée des morceaux dans l’alimentation de l’enfant, la langue doit encore gagner en précision : il lui faut réussir à s’orienter latéralement pour amener le contenu alimentaire entre les gencives latérales avant de rassembler les aliments ainsi écrasés ou fondus pour les avaler. C’est la langue qui permet de bien mastiquer, bien plus que les dents ! Le bébé peut également apprendre des mouvements d’aspiration. Petit à petit, les lèvres et les joues sont donc de plus en plus toniques, la langue peut bouger indépendamment du “socle” maintenant plus stable constitué par la mâchoire. Le babillage évolue alors et l’enfant peut commencer à émettre des sons qui font intervenir par exemple la pointe de la langue (t-d-n-l par exemple) et enchaîner l’articulation de syllabes différentes, ex : «pata». 
Le bébé puis l’enfant continuera ainsi son apprentissage de la parole progressivement, au fil de son développement oro-moteur, certains sons étant plus difficiles à articuler que d’autres (ch, j par exemple). Et tout comme l’on considère que l’enfant est progressivement capable de manger “comme un adulte” entre 4 et 6 ans, on observe qu’à 4 ans et demi, 90% des enfants ont acquis tous les sons de la langue française.